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L’aéronautique, un secteur en pointe

L’aéronautique, un secteur en pointe

Le secteur de l’industrie a été le premier à avoir compris l’intérêt que représentaient les connaissances scientifiques sur notre perception, notre attention, notre mémoire, ou encore nos décisions. Parce qu’elle conçoit des biens et des services, l’industrie se doit en effet de comprendre le fonctionnement des utilisateurs finaux de ces produits.
Le secteur aéronautique s’est emparé des sciences cognitives pour accroître la sécurité de ses clients et collaborateurs au travers de problématiques telles que comment un pilote d’avion de ligne peut-il tirer parti au mieux la grande quantité d’informations qui lui sont présentées à chaque instant et prendre des décisions, notamment en situation d’incertitude ?
Pour Julia Behrend, docteure en neurosciences cognitives et Head of Safety Innovation & Human Cooperation chez Air France, « la prise en compte des connaissances en sciences cognitives a conduit à une meilleure compréhension des facteurs contributifs à la prise de décision des pilotes dans le cadre de la sécurité des vols. Ceci permet notamment d’orienter la formation et la définition des procédures ».

Air France a même un service dédié à la recherche en sécurité des vols, le « safety research » où des pilotes, des chercheurs en sciences cognitives et des ingénieurs collaborent avec des laboratoires universitaires afin d’analyser le regard des pilotes, et plus particulièrement dans les cas de stress élevés en présence d’événements inattendus. Dans un contexte où la sécurité est la priorité, il est indispensable de s’appuyer à la fois sur les connaissances techniques ainsi que d’appréhender les aspects humains via les sciences cognitives.

Passer du laboratoire au réel

Le temps de la recherche n’est pas celui de l’économie. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’innovation ou de sécurité, il est crucial de réussir à concilier ces deux temporalités, tout en respectant le temps de la recherche et en encourageant les interactions avec l’industrie. Il serait dangereux de transférer directement les connaissances issues des laboratoires de recherche vers des applications industrielles. Lorsqu’un laboratoire étudie les mécanismes complexes qui sous-tendent une prise de décision en situation de stress, il doit le faire en contrôlant strictement l’environnement, de sorte que ce dernier ne puisse pas interférer de façon imprévisible avec l’expérience. Les connaissances acquises dans ces contextes contrôlés sont nécessaires et cruciales pour faire évoluer la compréhension des mécanismes cognitifs en jeu, mais ces conditions demeurent éloignées des conditions réelles d’une situation d’urgence en vol.
Des collaborations entre laboratoires et acteurs de l’industrie peuvent alors permettre de mener des expérimentations avec la rigueur et la méthodologie scientifique, dans des situations plus proches de la réalité, comme avec des simulateurs et/ou des environnements en réalité virtuelle.

Anticipation dans le pilotage

L’industrie aéronautique poursuit depuis de nombreuses années l’objectif d’un niveau optimal de sécurité dans le cadre du transport aérien.
« L’approche facteur humain constitue un levier d’action majeur pour permettre la réalisation de cet enjeu, pour Jean-Marc André directeur de recherche de l’IMS (Talence, Institut Carnot Cognition. Ainsi, dans le cadre contraint de l’aéronautique, la conception et la mise au point d’outils permettant d’assister la cognition des équipages demeure une perspective d’avenir même si la formation des pilotes devient également un enjeu majeur pour les prochaines années. Dans ce contexte, la gestion des ressources cognitives, et plus particulièrement les stratégies spécifiques de gestion mises en place par les pilotes, sont centrales au processus de prise de décision sous contraintes. »

La start-up Semaxone a développé une technologie pour suivre l’état physiologique et cognitif de personnes travaillant dans des environnements fortement contraints. Elle est notamment adaptée aux pilotes d’avion pour mesurer leur capacité à mobiliser correctement leurs ressources, en cas d’incident survenu sur leur appareil. Rencontre avec le fondateur de cette entreprise.
Guilhem Belda ingénieur en informatique diplômé de l’Université d’Avignon a créé sa start-up pour développer une technologie capable de suivre l’état physiologique et cognitif de personnes évoluant dans ce type d’environnement. 
« En cas d’incident, les pilotes d’avion doivent être capables de mobiliser leurs compétences et leurs ressources cognitives pour faire face à cette situation, et ce malgré un fort niveau de stress, explique Guilhem Belda. En plus de cet aspect cognitif, des contraintes venant de l’environnement peuvent intervenir, comme un changement de température, du taux d’oxygène, de fortes accélérations… Elles vont venir perturber le corps du pilote et impacter son confort et sa santé. Malgré tout, il doit être capable de s’adapter et de mobiliser rapidement et correctement toutes ses ressources, car cela va conditionner la sécurité de l’avion. Face à ces contraintes, nous développons des technologies de monitoring pour récupérer des données sur la physiologie d’une personne afin d’interpréter son état opérationnel et cognitif. »

Le projet MetaStress du Laboratoire de Sciences Cognitives et de Psycholinguistique (LSCP, Institut Carnot Cognition)

Le projet MetaStress est un projet de sciences cognitives qui porte sur l’impact du stress sur la métacognition, il combine une approche fondamentale et une approche appliquée au domaine de l’aéronautique. La métacognition rassemble l’ensemble des processus par lesquels un agent accède à, et contrôle, ses propres processus cognitifs. Les jugements de confiance que nous formulons sur nos propres décisions sont des exemples prototypiques de métacognition. La métacognition est une capacité essentielle d’une part pour la régulation par le sujet de sa propre cognition, et d’autre part pour la coopération entre agents en situation d’incertitude. Elle fait partie des fonctions exécutives qui donnent à la cognition humaine son caractère flexible et adaptatif. Or, nous savons désormais que les fonctions exécutives sont parmi les plus sensibles au stress. En situation de stress, les ressources énergétiques sont réorientées vers la lutte ou la fuite, et l’attention se porte vers le monde extérieur, source de menaces potentielles, aux dépends de l’attention endogène.
Les effets délétères du stress sur la performance sont bien connus et ils ont été particulièrement bien documentés en aéronautique. Le projet MetaStress est motivé par l’hypothèse suivante : un des mécanismes par lequel le stress est cause d’erreurs, voire d’accidents, est la baisse de métacognition qu’il induit. 
Le projet MetaStress s’est fixé pour objectif d’examiner les relations entre stress et métacognition d’un point de vue fondamental, d’étudier les conséquences du stress sur la métacognition dans le contexte aéronautique et de proposer des contre-mesures cognitives. Des inductions de stress en laboratoire ont été utilisées afin d’étudier les modulations de l’accès métacognitif induites. Au moyen de la modélisation des performances cognitives, les effets du stress sur la cognition de premier ordre et ceux sur la métacognition ont été isolées, les effets de biais (sur- ou sous-confiance) identifiées ainsi que les effets sur la sensibilité métacognitive. Par une combinaison de mesures physiologiques, endocriniennes, comportementales et psychologiques, sont démêlés, dans l’écheveau des mécanismes du stress, ceux qui affectent les processus métacognitifs de monitoring et de contrôle.