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Le corps, une aide pour comprendre un texte !

Lire implique beaucoup de processus cognitifs

Tout se rappeler du texte se restreint alors. Et seule une information importante car suscitant une émotion ou encore une anomalie dans le texte, pourra raviver votre engagement cognitif et vous permettre une pleine compréhension et une bonne mémorisation du texte.

Le rôle des émotions 

De même que nous avons du mal à rester concentrés longtemps durant un cours magistral ou lorsque nous regardons un film, notre degré d’attention varie au fil d’une lecture. Et la posture du lecteur en est un marqueur inattendu.

Mais en quoi notre corps peut-il bien être impliqué dans cette activité hautement intellectuelle qu’est la lecture ? Quel rôle les émotions contenues dans un texte jouent-elles et dans quelle mesure notre corps y est-il sensible ?

La lecture est une entreprise complexe de construction de sens qui mobilise nombre d’habiletés, par exemple la conversion graphème/phonème (de l’écrit au son) et nécessite de faire constamment des liens entre ce qui vient d’être lu et les connaissances stockées dans la mémoire à long terme afin de construire une représentation mentale du texte qui soit la plus cohérente possible.

Les objectifs de lecture vont définir différentes normes de cohérence. Ainsi, celles-ci sont plus élevées lorsque nous lisons à des fins d’étude que lorsque nous lisons pour le plaisir ou nous divertir. Et nous sommes plus susceptibles d’investir des efforts cognitifs supplémentaires si le but de notre lecture est d’apprendre quelque chose de nouveau.

La tâche de lecture a donc une influence sur notre engagement cognitif : elle joue un rôle crucial dans la façon dont nous mobilisons nos ressources cognitives pour encoder les informations textuelles dans notre mémoire. Les informations qui étaient au centre de l’attention – donc très actives dans la mémoire de travail pendant la lecture – sont plus susceptibles d’être incorporées à la représentation mémorielle du texte.

Voilà en quoi l’engagement cognitif en lecture est primordial, notamment en situation d’apprentissage. Plus nous nous engageons cognitivement lors d’une lecture, plus la compréhension et la rétention en mémoire sont opérantes.

Engagement cognitif

L’engagement cognitif peut être défini comme un processus dans lequel les ressources cognitives du lecteur se concentrent sur la tâche de lecture et se reflètent dans le comportement du lecteur. Les ressources cognitives sont par exemple la motivation, l’attention, la mémoire et même les émotions.

L’engagement cognitif a été principalement étudié en psychologie de l’éducation pour étudier la motivation et l’engagement des élèves en utilisant des échelles subjectives d’auto-évaluation. Dans ce cas, les lecteurs évaluent eux-mêmes dans quelle mesure ils étaient engagés dans leur tâche de lecture.

Cette méthode subjective d’évaluation possède deux inconvénients. Le premier est que les lecteurs évaluent leur engagement a posteriori, après la tâche de lecture. Le second est que l’on demande au lecteur de conscientiser un engagement ou un désengagement qui n’est pas nécessairement conscient pendant la lecture.

Des méthodes qualitatives objectives ont été utilisées pour tenter de qualifier l’engagement cognitif lors des tâches d’apprentissage et de lecture. Elles s’appuient sur les mouvements oculaires, qui révèlent que, plus une information est fixée longuement, plus elle est traitée profondément.

Des études récentes ont examiné d’autres moyens de mesurer l’engagement cognitif pendant la lecture, notamment en couplant la technique oculométrique – consistant à mesurer les mouvements oculaires – et la technique de capture des mouvements posturaux (motion capture).

L’oculométrie permet ainsi un accès direct à l’information textuelle traitée par le lecteur ; et la motion capture offre la possibilité d’étudier comment les gens se tiennent en lisant, avec une précision millimétrique.

Les résultats ont montré que lorsque les lecteurs parcouraient des passages particulièrement importants et en lien avec une tâche qui leur avait été donnée au préalable, leurs mouvements posturaux étaient ralentis, presque figés, afin d’intégrer efficacement les informations présentes dans le texte. Ainsi, il a été montré que la stabilité posturale peut refléter le niveau d’engagement cognitif des lecteurs.

L’influence des émotions

Les contenus émotionnels sont omniprésents dans notre quotidien. Et les émotions jouent un rôle dans les décisions que nous prenons, et donc dans le fait d’être engagé dans la lecture d’un texte.

Les études scientifiques parviennent à un consensus sur la structure bidimensionnelle des affects impliquant la valence émotionnelle et le niveau d’activation/excitation émotionnelle ou intensité émotionnelle.

  • la valence émotionnelle permet de décrire dans quelle mesure le sentiment perçu est agréable ou désagréable, selon une échelle bipolaire allant du négatif au positif ;
  • l’excitation ou l’intensité de la sensation.

Il a été démontré que les stimuli émotionnels influencent la motivation, ils sont donc susceptibles de capter l’attention plus rapidement que les stimuli neutres.

Une étude a exploré l’effet de la valence émotionnelle sur l’engagement cognitif lors d’une tâche de lecture sur tablette tactile. Les résultats ont montré que les lecteurs faisaient significativement moins de mouvements lorsqu’ils lisaient des textes émotionnels (positifs et négatifs) comparés à des textes neutres. Les émotions agiraient donc comme des promoteurs attentionnels lors de la lecture.

L’étude de la cognition humaine tend à être décrite comme étant « incarnée », cela veut dire que les processus mentaux entretiennent un lien indéfectible avec le corps qu’ils habitent. Comme nous l’avons vu, les mouvements du corps, au même titre que les mouvements oculaires, peuvent rendre compte de processus cognitifs à l’œuvre dans des tâches de lecture.

Avec l’utilisation grandissante des tablettes tactiles, la distanciation physique précédemment requise par l’écran déporté de l’ordinateur est ici abolie au profit d’un écran portable « faisant corps » avec le lecteur. On se dirige donc vers des modes de lecture nouveaux, notamment en classe. Les études en cours tenteront de sonder cette influence de la posture lors des apprentissages, notamment de la lecture et de l’écriture.

Pour en savoir plus : Ugo Ballenghein, professeur des universités en psychologie cognitive, laboratoire Chart, UPEC.

Publié le 30 09 2025

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